Wednesday, December 20, 2006

"99 Francs"


"Je cherchais partout à savoir qui avait le pouvoir de changer le monde, jusqu'au jour où je me suis aperçu que c'était peut-être moi." (Beigbeder 30).

Comme dans beaucoup d'autres romans de notre siècle, 99 Francs de Frédéric Beigbeder, décrit une société asservie par les marques. Dans des romans comme American Psycho ou L'Etranger, la société transforme les protagonistes en monstres. Dans ce roman cependant, le protagoniste, Octave Parango, n'est pas simplement un produit de la société; il en est le créateur. Il fait des pubs dans lesquelles il montre aux consommateurs une vie sur laquelle prendre modèle. Selon Octave, "ce n'est plus la publicité qui copie la vie, c'est la vie qui copie la publicité." (Beigbeder 172). Octave n'est pas étranger à cette société, il en est aussi le consommateur.Il est donc son propre créateur. "Je suis mon propre fils...chaque matin je me donne la vie." (Beigbeder 70). Dans Frankenstein, Octave aurait été le médecin et le monstre.

En suivant ce thème de la naissance (Octave accouche d'une société cernée de pubs, accouchant lui-même), on trouve le thème de la mort. Si on veut éviter les pubs, on ne doit pas participer au fonctionnement de la société et le seul moyen de lui échapper est la mort. D'après Octave, la mort est équivalente à être sur une île déserte. Il veut bien "partir d'ici ... sur une connerie d'île déserte." (Beigbeder 20). Marc Marronnier s'est suicidé pour démissionner (ou peut-être se cache t-il sur "Ghost Island"). Selon Octave, si l'avion plein de publicitaires s'écrasait, le monde s'améliorerait. Si on reste vivant, on doit affronter la pub toutes les deux secondes. "On n'est peut-être pas mort, mais pas très vivant non plus." (Beigbeder 143). Il n'y a pas une grande différence entre l'enfer des pubs partout et l'île de la mort où on s'ennuie en manquant de divertissement. "S'amuser, c'est la même chose que se suicider, sauf qu'on peut le faire tous les jours." (Beigbeder 226). Donc, sans se suicider, on n'échappera pas aux pubs.

Il reste un problème. Si Octave est si puissant, il peut tout changer, n'est-ce pas? Enfin, on l’a "laissé devenir le Roi du Monde..." (Beigbeder 20). Il a été couronné Directeur de Création. Il se déteste pour ses créations et, au fond, il est bénévole. Malheureusement la machine publicité marchera sans Octave. "Quand un publicitaire meurt, il ne se passe rien, il est juste remplacé par un publicitaire vivant." (Beigbeder 169). Malgré ses bonnes intentions, il est impuissant à changer notre vie. "Ce sont toujours les gens animés des meilleures intentions qui deviennent des monstres." (Beigbeder 33). Alors, n’y a t’il vraiment plus d’espoir? Si on le demandait à Octave, sa réponse serait oui.

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