Wednesday, December 20, 2006

"Le Bébé"


La narratrice se demande pourquoi il y a si peu de bébé dans la littérature. « Pas de bébés chez Nathalie Saurraute, ce n’est pas son propos ; rien non plus chez Virginia Woolf. Je ne sais quel journaliste se scandalisait, à la mort de Duras, que jamais son enfant n’eût de place dans ses livres, comme si une femme devait nécessairement … » (Darrieussecq 51). Elle propose quelques réponses comme: c’est difficile pour une écrivain de faire mourir les enfants, et « que les enfants soient mortels, c’est ce que l’Occident ne supporte plus». (Darrieussecq 53). J’ai une autre réponse : personne ne veut entendre les histoires des bébés d’autrui, c’est ennuyeux. Quant aux gens qui ont des animaux à la place des bébés, ils ne comprennent pas pourquoi les gens qui ont des enfants passent leur temps à parler de leurs enfants. Réciproquement, les gens qui préfèrent les animaux aux bébés racontent des histoires longues et fastidieuses et les gens qui ont des enfants et pas d’animaux les prennent pour des fous. « Avant, ce n’est pas que je n’aimais pas les bébés; c’est qu’ils n’existaient pas. » (Darrieussecq 13). Alors, elle reconnaît que les bébés n’existent pas pour les gens qui n’en ont pas. Cela ne l’empêche pas d’écrire son roman.

Ce n’est pas que je déteste les bébés. J’ai même envie d’en avoir dans un avenir lointain. Mais c’est insupportable de lire 188 pages sur le bébé d’une autre femme. Elle-même dit que « Les bébés des autres n’existaient pas, je le comprends maintenant, parce que le bébé n’existe que dans la continuité intime, dans le lien avec nous, ses parents. » (Darrieussecq 17). J’aurais préférée lire une histoire sur un fait divers au sujet d’un bébé, comme celle de la baby-sitter qui a confondu le poulet et le bébé et l’a mis au four, ou celle des jumelles dont l’une respirait tout l’oxygène pour les deux. Ce serait beaucoup plus intéressant !

Même la narratrice, qui est un écrivain comme l’auteur du roman (encore de l’autofiction) dit, « Je n’étais pas non plus capable d’écrire sur le bébé. Aucune idée ne me venait, pas même l’envie d’une idée… » (Darrieussecq 97). J’aimerais que l’idée ne lui soit jamais venue d’écrire un roman sur ce sujet. Je ne doute pas du tout qu’elle soit un bon écrivain mais l’histoire du bébé de la narratrice ne m’intéresse pas. Le bébé est peut-être plus malin qu’on pourrait le penser, « Le bébé m’empêche d’écrire, en se réveillant. » (Darrieussecq 14). Peut-être savait-il qu’un livre à son sujet n’intéresse que sa mère.

Dans une critique du roman dans LeTemps.ch par Isabelle Martin, les mêmes questions reviennent : « Pourquoi y a-t-il si peu de bébés dans la littérature? Qu'est-ce qu'une mère peut écrire sur son bébé sans tomber dans les clichés sentimentaux? »1 La manchette répond « Marie Darrieussecq milite pour la reconnaissance littéraire du nouveau-né. Sans mièvrerie. » Il est vrai qu’elle arrive à éviter un ton trop sentimental dans son roman. Son talent est d’arriver à produire un roman de qualité sur un sujet comme celui-là.

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